Rapport moral 2023

St-Nicolas-de-Redon, 14/09/24

Il y a 51 semaines, au Cinémanivel qui se trouve en face sur l’autre rive de la Vilaine, et à l’occasion de notre dernière Assemblée Générale, nous proclamions devant un parterre fourni et enthousiaste Le Manifeste de l’Éducation Populaire de La Fédé. Il s’agissait pour nous de mettre à jour et de réaffirmer nos fondements et notre vocation politique, dans le but d’inviter à composer une société inclusive et solidaire qui laisse place aux citoyens, place à leurs intelligences, place à leurs paroles, place à leurs initiatives. Les péripéties électorales que nous avons connues ces dernières semaines nous ont confortés dans la pertinence de notre vision des valeurs que nous portons. Forts de ce référentiel idéologique et opérationnel, nous avons pu le 26 juin dernier cette tribune :

Place aux Citoyens !

Soyons lucides, quelle qu’en soit l’issue, la haine, l’irrationnel, l’arbitraire et l’obscurantisme sortent d’ores et déjà gagnants de ce scrutin législatif convoqué de manière irresponsable. Qu’elles obtiennent la majorité absolue, la majorité relative, ou – dans un moindre mal – une minorité renforcée, dans tous les cas de figure, les idées nauséabondes envahissent l’Assemblée nationale, l’espace public et les esprits. Pour les tenants de l’idéal Républicain de la Liberté, de l’Égalité et de la Fraternité dont nous sommes, la défaite est cuisante et le constat amer.

En tant qu’association d’Éducation Populaire, cette catastrophe annoncée, nous inquiète et nous bouscule évidemment, mais elle doit d’abord nous interroger :

  • Pour quelles raisons les difficultés des zones rurales pourtant si vastes restent-elles à ce point inaudibles ?
  • Avons-nous suffisamment lutté collectivement contre la précarisation, la ringardisation et le dénigrement de nos territoires et empêcher ainsi l’avènement d’une ruralité de l’extrême ?
  • Ne serait-il pas temps de sortir de l’entre-soi et générer, chez le plus grand nombre, de nouvelles vocations de citoyenneté active qui constitue la pierre angulaire de notre société et qui seule peut transformer les colères, les peurs et les détresses en autant d’élans d’espérance créative ?
  • Nous-mêmes, à La Fédé, n’avons-nous pas trop cédé à une logique de développement de services à la population au détriment d’un projet politique émancipateur ?

Cette dernière question n’est pas nouvelle pour nous. D’ailleurs, le 22 septembre dernier, nous avons proclamé notre Manifeste de l’Éducation Populaire, nous y revendiquons agir en conscience pour composer une société sensitive, inclusive et solidaire. À peine un an plus tard, cet appel au mouvement nous apparaît impératif.

C’est sur la base de ce manifeste, que nous invitons les habitants, de tous âges et de toutes conditions, les associations, les partenaires, les bénévoles, les entreprises, les collectivités, etc. à se joindre à nous pour faire place aux citoyens ! Ouvrons des espaces d’échanges, de débats, de discussions, de culture – de préférence dans l’espace public – pour que chacun puisse faire valoir sa liberté individuelle, mais une conscience collective à la main. Nous le réaffirmons : une citoyenneté ne s’acquiert pas, elle se cultive. Permettons l’épanouissement de la démocratie en s’autorisant à faire pouvoir et contre-pouvoir : faisons du politique ! C’est une chose trop sérieuse pour la confier aux politiciens.

Cette dynamique, nous sommes résolus à l’initier à l’occasion de cette Assemblée Générale qui a pour thématique centrale : l’exploration du futur. Rêvons, imaginons, créons ensemble de nouvelles perspectives… et construisons un présent utopique.

N’est-il pas temps de sortir de l’entre-soi, de générer de nouvelles vocations de citoyenneté active ? D’affirmer que la démocratie est une pratique quotidienne ? De réaffirmer qu’être un citoyen ce n’est pas seulement d’aller voter ?

Si nous avons appelé de nos vœux à créer de l’espace publique, à ouvrir les espaces publiques, encore faut-il aussi conforter que chacun à sa place et son mot à dire dans ces espaces. Nous invitons certes les habitants, de tous âges et de toutes conditions, les associations, les partenaires, les bénévoles, les entreprises et les collectivités à se joindre à nous. Mais surtout, nous devons créer, ensemble, un véritable réseau social, un réseau de solidarité, d’entraide, de parole et de création pour transformer notre monde en allant avec et non contre.

Lorsque nous proclamons notre Manifeste de l’éducation populaire, c’est pour inspirer, pas pour enfermer. Il est notre grille, notre tamis et surtout, notre boussole. Il nous oriente et nous aide à œuvrer. À œuvrer pour cette société sensitive, inclusive et solidaire que nous voulons.

Si vous aussi cette société pour tente, vous la souhaitez, vous l’attendez ; alors, adhérez ! Adhérez à ce Manifeste. Et pourquoi pas, adhérez à La Fédé ! Aidez-nous à construire un futur utopique dès maintenant. Tout reste à faire. Tout le monde peut proposer des solutions innovantes pour améliorer la vie de la communauté. Gaston Bachelard a dit « l’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous allons faire ». Alors montrons que nos actions présentes contribuent à modeler le futur. À nous, tous ensemble, de façonner de nouvelles institutions sociales, politiques pour composer cette société sensitive, inclusive & solidaire.

Montons des projets risqués — non imposés par des cahiers des charges, des appels d’offres, à projets ou autres démarches cadrées, institutionnalisées, préformatées — des projets, pour tordre le cou à cette société administrative, normée, comptable et financière prédominante.

Un projet ambitieux, nous en lançons un ; dont vous vivez aujourd’hui son esquisse, son seuil à franchir, au travers de cette journée citoyenne. Nous montons une université populaire. Rien d’extravagant ni d’original quand on se revendique de l’éducation populaire, nous direz-vous. Certes dans sa dénomination, mais dans celle-ci, nous avons l’ambition de briser le modèle binaire, mais néanmoins classique, du clivage théorie versus pratique, de l’activité manuelle versus intellectuelle, du populaire versus universitaire. Nous montons une université qui n’est pas basée sur la transmission de savoir, mais bien sur la visée de la création de pensée par l’expérimentation et le langage.

Première discipline explorée cette année : le paysage. Profitez donc aujourd’hui des balades paysagères en canoë que nous vous proposons pour expérimenter, discuter, échanger. Car nous sommes doués de langage, d’un langage construit, alors utilisons-le.

C’est d’ailleurs sur cette base qu’Aristote qualifiait « l’homme d’animal politique ». C’est pourquoi il nous semble crucial d’ouvrir des espaces d’échanges, de débats, de discussions et de culture, de préférence dans l’espace public. Prenons exemple sur les agoras de la Grèce antique, où les citoyens se réunissaient pour discuter des affaires de la cité.

Ces espaces étaient des lieux de démocratie directe, où chacun pouvait exprimer ses idées et contribuer à la vie collective. Nous devons recréer ces espaces pour permettre à chacun de faire valoir sa liberté individuelle tout en cultivant une conscience collective. Aujourd’hui, nous vous en proposons un, ici même. Nous espérons qu’il essaimera ensuite en grand nombre.

Développons des moments de causerie. Préférons le face-à-face et l’usage de la parole à la distance du mail. Créons des postes de diplomate / porte-parole pour notamment confronter les politiques au réel de la question que l’on pose, sans dérobade promise ou argumentation fallacieuse construite.

Car poser des questions interpelle, interroge, place en suspension, ouvre à la complexité. Par exemple, assistons aux conseils municipaux et communautaires du territoire, nous afficherons les différentes dates sur notre site internet. Réunissons-nous ensuite dans des bars, des restaurants pour causer de ces choses communes. Car ne l’oublions pas, ces réunions sont publiques et l’affaire de tous.

Nous réaffirmons que la citoyenneté ne s’acquiert pas, elle se cultive. Permettons l’épanouissement de la démocratie en s’autorisant à faire pouvoir et contre-pouvoir.

Qui sait ce que ces élans vont pouvoir créer ? Renforcer les liens sociaux ? Créer des sentiments de communauté ? Des vies de quartier ? Des cafés citoyens ? Des cantines ? Des ateliers ? Des forums citoyens ? Des assemblées populaires ? Des bibliothèques de rue ? De la culture décloisonnée ? De l’art ? Des marchés éphémères ? Des parcs ? Des jardins communautaires ? Des scènes ouvertes ?

Faisons-nous confiance ! En rendant le présent utopique, nous ne faisons pas que rêver d’un futur idéal, nous commençons à le construire dès maintenant.

La Fédé se veut créatrice d’ambiance par de l’immersion, de l’environnement, des humeurs, des expériences. Nous voulons retrouver notre essence fédératrice en créant du réseau social, en créant un réseau bénévole, citoyen, en réorganisant l’association elle-même.

Bref, si vous avez envie de prendre part à la vie de la cité, envie de transformer vos peurs, vos colères, vos détresses en autant d’élans d’espérance créatives, de causer, de porter la parole, d’inventer, de rêver, d’imaginer… de construire une société plus juste, plus inclusive, plus sensible et plus solidaire, rejoigniez-nous.

Et nous terminerons en convoquant la capacité créative de l’imaginaire individuelle et collective que Cornelius Castoriadis appelle « l’imaginaire radical » à œuvrer pleinement dès aujourd’hui lors de cette journée et à déclarer : « À présent : place au futur» !

Stéphane ADAM et Alexandre AUBERT,
Coprésidents de La Fédé

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