Comment favoriser l’engagement des jeunes et leur inclusion dans la société ? Sitôt que l’on aborde le sujet de la jeunesse, cette question taraude les élus, les responsables associatifs, les professeurs, les éducateurs et autres animateurs socioculturels. Leurs motivations sont légitimes et la question est claire. Pourtant, les réponses ne sont pas simples à trouver et celles qui sont mises en œuvre ne sont jamais à la hauteur des ambitions de départ…
Quand on peine à trouver les solutions, c’est peut-être que la question est mal posée. De fait, à la Fédé, nous nous la posons autrement : comment s’engager auprès des jeunes pour que la société puisse bénéficier de leurs aptitudes. Énoncée de cette façon, d’autres perspectives se dessinent, n’est-ce pas ?
Depuis toujours, l’approche de La Fédé n’est pas de considérer les jeunes comme un problème à résoudre, mais justement comme une réponse aux problèmes de notre temps. Pour qu’ils s’engagent, c’est donc d’abord à nous, les adultes, de nous engager à leurs côtés en leur donnant les outils dont ils ont besoin : un lieu pour se retrouver et un accompagnement pour créer.
Confier aux jeunes des espaces à investir pour qu’ils s’investissent. Leur offrir des locaux, c’est la façon la plus concrète et la plus explicite de leur montrer qu’ils ont une place à prendre. Qu’ils s’approprient les lieux et fixent leurs propres règles de fonctionnement. Qu’ils construisent un endroit où ils puissent expérimenter le collectif, discuter, se distraire ; un endroit où ils se sentent bien. Un endroit qui leur ressemble et les rassemble.
Soutenir les jeunes dans leurs réalisations pour qu’ils se réalisent. Les accompagner c’est leur donner la garantie qu’ils restent ouverts aux autres, car c’est de la rencontre que naît toute dynamique. C’est les encourager à se mettre en mouvement, mais sur des thématiques qu’ils choisissent eux-mêmes à partir de leurs propres centres d’intérêt. C’est les aider à s’organiser, à trouver des ressources et des soutiens, à coopérer avec d’autres (qu’ils soient jeunes ou moins jeunes…) et à aller au bout de leurs envies et de leurs convictions.
C’est comme ça que se gagne le pari de l’engagement et de l’inclusion des jeunes. L’histoire et l’actualité de la Fédé en témoignent.
La jeunesse, une odyssée de l’espace
Depuis décembre dernier, avec l’aide de la ville et de l’association OIM, la Fédé a ouvert à Redon un tiers-lieu dédié aux jeunes adultes. Mais au fait, qu’est-ce qu’un tiers-lieu ? Comme son nom l’indique, il s’agit d’un lieu (jusque-là c’est facile), mais d’un lieu « autre ». Entendez par « autre » : autre que celui du domicile et autre que celui du travail. C’est donc un lieu collectif, autogéré, pensé et aménagé pour et par les jeunes. Un lieu qui s’adresse à tous les 18-30 ans, individuels ou constitués en collectifs ou en associations. Un lieu où l’on se rencontre, où l’on discute, où l’on se détend où l’on se distrait. Mais aussi un lieu où l’on s’informe, où l’on croise ses savoir-faire, où l’on monte des projets. Situé rue Victor Hugo, dans le cœur de ville, à proximité immédiate du Parc Anger, cet ancien bar offre de nombreux espaces et donc de multiples possibilités d’utilisation. Pour le moment, contexte sanitaire et couvre-feu obligent, la capacité d’accueil et les amplitudes horaires restent très contraintes. Mais ne boudons pas notre plaisir, ce nouvel équipement tant attendu existe désormais bel et bien et c’est une excellente chose.
On peut ainsi considérer le tiers lieu comme une version moderne de ce que l’on appelait autrefois le Foyer des Jeunes (ou parfois Foyer d’Animation). Ces Foyers, que les moins jeunes d’entre nous ont bien connus, furent à l’origine de la création de la Fédé, sous l’impulsion du COCAPAR et de son animateur (un certain Jean-Bernard VIGHETTI) et grâce à l’implication de plusieurs jeunes bien motivés de l’époque dont Hervé MENAGER et Patrick LEVILLOUX, pour ne citer qu’eux. Mais n’allons pas trop vite en besogne et revenons à nos Foyers. Dans les années 60, des associations de jeunes fleurissent sur le Pays. L’une de leurs premières revendications, c’est bien souvent de pouvoir disposer d’un local. Les négociations avec les élus ne sont pas toujours aisées, il faut dire que ces jeunes se détournant des traditionnelles et chastes activités de patronage se taillent souvent une réputation de contestataires, voire d’agitateurs. Toutefois, ils finissent, avec le temps, par obtenir gain de cause et l’opération « Mille clubs » lancée en 68 par le ministère de la jeunesse et des sports va permettre l’implantation dans les communes du secteur de plusieurs de ces bâtiments préfabriqués dont quelques exemplaires subsistent encore de nos jours. Mais ce qu’il reste surtout, ce sont les jeunes de cette époque (qui, avouons-le, le sont un peu moins aujourd’hui) qui ont continué sur leur lancée initiale à s’investir des années durant et ont drainé la vie citoyenne et associative locale ces dernières décennies.
L’expérimentation forme la jeunesse
Une pièce du tiers-lieu est réservée à un dispositif original : Le Labo. L’objet de recherche de ce « laboratoire » est exclusivement tourné vers l’expérimentation. Au moins deux fois l’année, un groupe d’une vingtaine de jeunes adultes volontaires, d’horizons les plus divers et variés, se constitue pour une période de 3 mois. À raison de 6 à 10 heures par semaine, la mission de ce groupe consiste à explorer une thématique donnée à dominante culturelle ou créative, puis, à partir de cette exploration, à élaborer et à mettre en œuvre son propre projet de création. Le Labo est donc en quelque sorte, un parcours initiatique d’éducation populaire qui, tout au long de ces 3 mois d’aventure collective intense, favorise l’épanouissement des jeunes, leur appropriation du territoire, leur inclusion sociale et professionnelle. Par sa pédagogie active, il permet les rencontres, l’apprentissage entre pairs, le travail d’équipe, la découverte de pratiques artistiques ou artisanales. Les participants sont accompagnés par une équipe d’animation qui est là pour garantir le bon fonctionnement du groupe, pour encourager, soutenir, alimenter et valoriser les démarches entreprises et pour faciliter le lien avec les personnes et structures ressources.
Le travail de la Fédé auprès des jeunes – comme du reste auprès de tous les publics – s’appuie depuis toujours sur ce qui est communément appelé la pédagogie du projet. Cette pratique de pédagogie active permet de générer toutes sortes d’apprentissages à travers la réalisation d’une production concrète. Elle repose sur un précepte simple : c’est en faisant qu’on apprend. Et quand en plus on fait « ensemble », on apprend des autres, mais aussi aux autres, dans un esprit de réciprocité et de considération mutuelle. Grâce à cette approche, des générations de jeunes ont pu développer leurs aptitudes et leur savoir-faire et participer à leur épanouissement et au dynamisme du Pays. Que ce soit par la pratique d’activités créatives et artistiques ou de sports de pleine nature, par l’organisation de concerts, de festivals, de voyages, de séjours, d’échanges internationaux, de chantiers, ou par la mise en œuvre d’un cinéma itinérant (dont la dynamique est à l’origine du Ciné Manivel), les exemples de projets participatifs d’éducation populaire ne manquent pas dans le récit de la Fédé. Et aujourd’hui, avec Le Labo, un nouveau chapitre nous ouvre sur l’avenir.
Dans nos archives
Ouest-France 08/06/1971
« Cette expérience sera intéressante, dans la mesure où les jeunes ruraux apporteront eux-même la solution. »
Ouest-France octobre 1972
« Labo-photo, guitare, soirées-cabarets, feu de la St-Jean, inter-quartiers… »