Solidarité. Le mot aujourd’hui a comme un parfum de désuétude. « Solidarité », ça sent un peu le combat d’arrière-garde, voire celui perdu d’avance. Peut-être parce que notre époque est celle du chacun-pour-soi triomphant diront les plus désabusés. Peut-être parce que l’enjeu crucial de notre temps est celui de l’égalité rétorqueront les plus battants. Peut-être un peu des deux concluront les plus consensuels. Peut-être…
Quoi qu’il en soit, et n’en déplaise à nos contemporains, la solidarité est, a été et sera toujours une valeur cardinale de la Fédé. Plus encore que de guider nos actions, c’est elle qui constitue notre raison d’être. Mieux, notre atout majeur. Comment pourrions-nous en effet être en mesure d’affronter la crise actuelle, et plus que vraisemblablement durable, si nous ne pouvions compter sur la mobilisation et l’esprit solidaire de notre équipe de salariés, bénévoles et d’administrateurs ?
Toute naissance est le fruit d’un désir. Tout le monde sait ça. Le désir qui a engendré la Fédé est celui de la solidarité. Cette flamme originelle, c’est celle des foyers des jeunes et d’animation rurale qui, en 1971, ont fait le choix de l’union et donc de la force, selon les préceptes du célèbre adage. Ce désir de solidarité s’est perpétué de génération en génération dans une quantité de projets portés par des jeunes et soutenus par la Fédé. Le plus récent étant celui des membres de la Junior Association L’Hirondelle qui, avec des jeunes migrants, ont randonné entre Blain et Josselin, durant l’été 2019, pour sensibiliser le grand public au sort et à la cause des réfugiés. Leur marche le long du canal de Nantes à Brest s’inscrivait dans les pas du Collectif des Folliards qui a monté un échange avec le Sénégal en 2002 et dans ceux des nombreux groupes de jeunes que La Bourse Initiative Jeunesse a, pendant plus de 20 ans, accompagné dans la mise en œuvre de multiples projets dont beaucoup relevaient de la solidarité internationale.
De toutes les actions initiées par la Fédé, deux conduites à deux décennies d’écart sont particulièrement emblématiques de l’esprit de solidarité que la Fédé entend souffler sur le territoire : les Yoles et Graines d’Envies.
Tiens bon la barre !
En 1998, la Fédé lance une idée insensée : participer au projet Défi Jeunes Marins 2000 et construire sur le Pays pas moins de 5 embarcations en bois se manœuvrant, soit à la voile, soit à l’aviron : une yole de Bantry (11,64m) et 4 yoles de Ness (6,90m). Le pari pourrait être qualifié de fou. Mais comme il s’agit de navigation, la formule « ad hoc » serait plutôt ou « bien barré », ou « furieusement cinglé ». En tout cas, la gageure mobilise sérieux et ils sont nombreux à vouloir relever le challenge. La grande yole est fabriquée par la Fédé dans le cadre d’un chantier d’insertion dédié, préfiguration de ce qui sera plus tard Lever le Rideau. Les petites yoles sont quant à elles assemblées, l’une par le Foyer de Bains-sur-Oust, l’autre par celui de Peillac, la troisième par l’Institut Médico Educatif (IME) de la Bousselais et la dernière par les jeunes de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ). En parallèle, un programme de sensibilisation, de valorisation et de transmission du patrimoine fluvio-maritime est lancé avec des anciens mariniers.
Au bout du compte, l’aventure aura embarqué toutes sortes de gens : des jeunes et des vieux, des gars et des filles, des personnes en situation de handicap ou pas, des élus et des exclus, des riches et des pauvres. Unis et solidaires. Une fois les yoles mises à l’eau, ce petit monde partira avec toute l’armada en délégation dans les plus grands évènements maritimes de Bretagne. A Brest, à Douarnenez, dans le Golfe du Morbihan, ils paraderont, ils navigueront, ils festoieront (beaucoup), ils louperont des départs de régate (parfois, quand justement ils auront trop festoyé…). Partout, ils chanteront à tue-tête et hisseront haut le pavillon de la culture du pays, tissant, grâce à ces 5 yoles, des liens indéfectibles. Unis et solidaires. D’ailleurs, qu’est-ce qui, mieux que la yole, concrétise l’idée même de solidarité ? On met les voiles vers un nouveau cap (tant qu’à faire de Bonne Espérance) et si le vent vient à manquer, on rame tous ensemble pour continuer d’avancer. C’est dans cet esprit que nous avons décidé, il y a quelques temps, d’armer une nouvelle embarcation solidaire pour lutter contre la pauvreté. Avec, en guise de boussole, la conviction que la solidarité n’est pas une démarche destinée aux personnes en précarité, mais à tout le monde, y compris des personnes en précarité. Unis et solidaires.
L’argent ne fait pas le bonheur des pauvres
Selon l’INSEE, la France métropolitaine comptait 9,3 millions de pauvres en 2018, c’est-à-dire 9,3 millions de personnes qui vivent avec moins de 1 063 € de revenu par mois. C’est bien peu d’argent, pour beaucoup de gens ! Cela représente 14,8 % de la population. Cette proportion nationale est sensiblement la même sur le territoire du Pays de Redon. On peut faire dire n’importe quoi aux chiffres, y compris la vérité. Celle-ci est incontestable et cruelle. D’autant que 14,8 % de pauvres, ça ne veut évidemment pas dire 85,2 % de riches. Et la crise sanitaire, sociale et économique que nous traversons ne va certainement pas améliorer la situation.
Au quotidien, la Fédé est régulièrement confrontée à cette problématique de la pauvreté. Notre ambition de nous adresser à tous les publics dans une logique de mixité sociale nous a évidemment conduit à mettre en œuvre une politique tarifaire adaptée pour que le coût restant à la charge des familles ne soit pas un frein à l’inscription sur nos activités. De même, par l’intermédiaire du Centre Social Intercommunal qui intervient sur 9 des communes de la partie morbihannaise du Pays de Redon, nous accompagnons, de longue date, les familles ayant de faibles revenus sur des projets de départ en vacances.
C’est d’ailleurs sur le territoire d’intervention du Centre Social Intercommunal qu’a été d’abord envisagé, puis réfléchi, et enfin mis en œuvre, avec 4 premières communes parties prenantes, le projet Graines d’envies, un espace d’accueil, de convivialité, d’écoute, et d’échanges de savoir-faire, qui propose, entre autres, une épicerie sociale et une Vestiboutique. Graines d’Envies a ouvert ses portes en 2018. Si vous voulez bien vous avancer, la visite guidée commence maintenant.
Bienvenue à Graines d’Envies
C’est là ! Pas loin de la Mairie d’Allaire, juste à côté de l’école Renaudeau. Au-dessus de l’entrée, il y a un immense panneau peint où il est joliment écrit « Graines d’Envies ». Vous ne pouvez pas la louper. Avant, c’était le bâtiment du percepteur. Mais pour cause de « rationalisation » des services publics, les fonctionnaires du Trésor ont mis la clef sous la porte. Les barreaux aux fenêtres sont les dernières traces perceptibles de l’ex-perception.
Le mardi, à l’intérieur, ça ressemble à une épicerie, comme il en existait il n’y a pas si longtemps encore. Une épicerie de campagne, bien rangée, bien achalandée. Sur les étals, des fruits et des légumes, dans les armoires réfrigérantes, de la viande et des produits laitiers, sur les étagères, des conserves, des œufs, des gâteaux, de la farine, du sucre, de l’huile, aussi du savon, du shampoing, du dentifrice, des protections périodiques. Sans oublier les produits ménagers du rayon droguerie et toutes ces autres choses que l’on trouve ordinairement dans une épicerie. Normal, puisque c’est une épicerie. Une épicerie réservée au plus démunis d’entre nous, c’est-à-dire celles et ceux à qui, une fois le loyer payé, les factures d’eau et d’électricité acquittées, les frais de déplacement, de téléphone et de scolarité réglés, et les mensualités de police d’assurance et de remboursement d’emprunts versés, il reste au maximum 210 € de « reste à vivre » par mois. 210 € par mois, même par personne, ça ne fait tout de même pas beaucoup. Tout au plus 7 € par jour, pour les mois les plus courts. Un peu plus en février. Pour se nourrir 3 fois dans la journée, pour se vêtir, pour se laver, pour se maquiller, pour aller chez le coiffeur, pour entretenir, meubler et décorer son logement et pour avoir un minimum de loisirs, 7 € par jour c’est pas le Pérou !
Alors, quand on a juste 7 € par jour de « reste à vivre », forcément, un petit coup de pouce ça ne fait pas de mal. Notre épicerie solidaire est justement spécialisée dans le coup de pouce. Ici, pas de don, on achète. À prix très modique, certes, mais on achète. Normal, puisque qu’on vous dit que c’est une épicerie. Et comme on achète, alors on achète ce qu’on veut. Dans la limite d’un montant alloué, on choisit ce qui nous plaît, ce dont on a besoin ou simplement envie. En fait, ce qu’on nous offre ici, c’est de la normalité, mieux, de la dignité. Et ça, ça n’a pas de prix !
À Graines d’Envies on trouve aussi une Vestiboutique. Cet espace-là est ouvert à tous. Quel que soit son « reste à vivre », on peut s’acheter ici des vêtements en très bon état à tout petit prix. Et même des chaussures, et même des chapeaux. Quel que soit son « reste à vivre », on peut aussi déposer ici des vêtements en très bon état, mais que l’on ne porte plus. Même des chaussures. Même des chapeaux… Ce sera trié et mis en rayon.
À Graines d’Envies, on trouve également une grande table autour de laquelle on peut s’installer pour boire un café, discuter et se donner des astuces qui nous facilitent la vie. Car solidarité rime très bien avec convivialité. C’est autour de cette table que régulièrement s’organisent des ateliers malins : pour apprendre à faire soi-même ses produits d’entretien et de beauté, à cuisiner bon et pour pas cher ou à prendre soin de soi. Enfin, à Graines d’Envies, on trouve des « bénés ». Les « bénés », ce sont les bénévoles. A moins que ce soient les bénéficiaires. Ou les bénéficiaires bénévoles. Ou les bénévoles bénéficiaires, puisque l’un n’empêche pas l’autre et réciproquement. De toute façon, on se fiche de savoir qui est qui, puisque l’on se ressemble tous tellement. Surtout quand on est embarqué dans le même bateau, toutes voiles dehors, en route vers le cap de Bonne Espérance, et qu’on se met à ramer tous ensemble quand le vent vient à manquer. Unis et solidaires.
Manifeste pour les mobilités
Épaulés par La Fédé, des habitants du Pays de Redon réfléchissent à des solutions collectives aux problèmes de mobilité sur notre territoire. Ils publient un manifeste afin de partager leur point de vue et d’intégrer les dynamiques en cours.
Dans nos archives
Les Infos 16/11/1999
À la fin des années 90, un projet de construction de yoles voit le jour à La Fédé. Il sera l’occasion d’une longue chaîne de solidarité, rassemblant des jeunes de tous horizons.
Les Infos 19/06/2019
« Parmi eux, Alexona, Semrana ou encore Mohamed, venus du Kosovo. Ils ont entre 14 et 17 ans. Avec les cinq jeunes, ils apprennent à se connaître »