« Grands disous, faillis fezous ». L’expression est bien connue en Pays de Redon et semble même n’avoir été créée que pour lui. À tel point qu’elle pourrait bien en être la devise. Pour ceux d’entre vous qui n’auraient pas la chance d’habiter notre belle contrée, ou qui viennent tout juste de s’y installer (bienvenue à vous !), on pourrait la traduire en français standardisé par : « Beau parleur, piètre faiseur ». Vous l’aurez compris, elle signifie que les champions toutes catégories de la palabre interminable, du discours soporifique, de l’allocution officielle et du bavardage intempestif se révèlent, à coup sûr, bien médiocres dès qu’il s’agit de retrousser leurs manches pour passer à l’action. De fait, la formule confère aux actes une supériorité implicite sur les paroles. Naturellement, tout le monde pense faire partie du camp plus valorisant des fezous, y compris nos plus beaux spécimens de disous locaux.
À La Fédé, nous n’échappons pas à la règle et nous nous revendiquons bien évidemment du côté de ceux qui agissent. Soyons lucides et honnêtes, il faut toutefois bien reconnaître que nous sommes, nous aussi, friands de mots et de paroles et que nous nous adonnons, sans doute plus souvent qu’à notre tour, aux plaisirs coupables, voluptueux et passionnés de la discussion et du débat. Et il n’y a pas de honte à avoir, car le langage est l’instrument nécessaire et incontournable, entre autres choses essentielles, du lien social, de la transmission de savoir et… de l’action. Alors confessons-le : nous sommes nous aussi de sacrés disous. Mais pas seulement ! Et il suffit de jeter un petit coup d’œil dans le rétroviseur pour constater à quel point nous avons bossé sur ces cinquante dernières années.
Organiser, créer, fabriquer, construire, animer, développer constituent le Bécherel de notre projet associatif. Oser, essayer, ré-essayer, tester, innover, tenter constituent celui de notre façon de faire. À ce titre, l’expérience est un élément constitutif essentiel de notre méthode de travail. L’expérience dans sa dimension éducative, qui permet à travers elle d’éprouver, de découvrir et d’apprendre, mais aussi l’expérience dans sa dimension empirique, qui va elle permettre de tester et de vérifier l’intérêt d’une action ou d’une organisation.
Pour étayer notre propos sur les nombreux bienfaits de l’expérience comme principe éducatif et modèle méthodologique, appuyons-nous justement sur des expériences scientifiques reposant sur l’observation des comportements singuliers de 3 espèces animales : les fourmis, les singes et les ados.
La petite bête qui montre…
Plaçons 10 fourmis au centre d’un labyrinthe. Nous constatons alors que, sans attendre, ces petites bestioles partent en tous sens de la manière la plus désordonnée qui soit. On est alors conduits à penser légitimement que les pauvres formicidés ne sont pas sortis de l’auberge. Pourtant, il ne leur faudra que quelques petites minutes pour découvrir la sortie et recouvrer la liberté. Comment cela est-il possible ? Simple ! Ce que nous avons pris de prime abord pour un éparpillement désordonné, relève en fait de la plus parfaite stratégie. En partant en tous sens, elles opèrent à l’exploration de tous les chemins possibles. Et quand elles tombent sur une voie sans issue, elles l’indiquent en déposant un marqueur chimique pour en informer leurs congénères. Par élimination systématique de tous les mauvais chemins, elles finissent forcément par trouver le bon. Bravo les fourmis pour votre maîtrise dans la science de l’expérimentation qui se compose, comme vous venez brillamment de nous le démontrer, d’un subtile mélange d’implication, d’observation, d’analyse et de communication.
Ce n’est pas à un vieux singe qu’on apprend à faire la grimace.
Notre seconde expérience se déroule avec des singes. On en met 12 dans une grande pièce. Au milieu de cette pièce, un escabeau au-dessus duquel pend une belle banane suspendue au plafond. Naturellement, les singes se précipitent pour décrocher le pompon. Nous en ferions tous autant ! Sauf que la ficelle à laquelle l’objet du désir est accroché est reliée à un système d’arrosage, et dès que l’on tire dessus, les singes sont proprement douchés. Où va se nicher la perversité des scientifiques, tout de même ! À chaque fois que les singes renouvellent leur tentative, les conséquences sont immuables et ils se retrouvent trempés. Si bien qu’ils finissent par se faire une raison et la mort dans l’âme, s’efforcent de chasser la banane tentatrice de leur champ de vision.
À ce moment précis de l’expérience, on procède à deux actions. La première, on désactive le système d’arrosage intempestif. La seconde, on soustrait un singe de la pièce pour le remplacer aussitôt par un autre. Évidemment, quand le nouvel arrivant aperçoit la banane, il se précipite vers l’escabeau. Mais à peine a-t-il posé le pied sur la première marche, que ses 11 autres congénères, effrayés à l’idée que le novice puisse déclencher un autre déluge, lui tombent dessus à bras raccourcis, et lui font comprendre violemment que cette banane est un fruit défendu. Le petit nouveau n’a pas d’autres choix que celui de recevoir le message cinq sur cinq.
On fait alors sortir un deuxième singe de la première génération et on le remplace par un tout neuf qui, naturellement, se précipite aussitôt vers l’escabeau. Les mêmes causes ayant toujours les mêmes effets, tous les autres lui tombent dessus et lui font comprendre : pas touche à la banana ! On continue de remplacer un à un les singes de la première génération par des nouveaux. À chaque fois c’est le même rituel. À force d’échange, arrive le moment du grand remplacement où aucun des singes présents dans la pièce n’a connu le supplice de la douche. Mais « l’enseignement » prodigué par les ancien a été si convainquant que pas un seul n’envisage qu’il est possible de se saisir de la banane. Mieux, si on introduit encore un nouveau singe, tous lui tomberont dessus selon le rituel d’accueil que leur ont inculqué les anciens.
« Ceux qui estiment que ce n’est pas possible, sont priés de ne pas décourager les autres ! » pourrait être la morale de cette histoire édifiante. Alors, ne nous comportons pas en vieux singes, aidons plutôt les jeunes primates à conduire leurs propres expériences.
Safari chez les ados.
La dernière expérience se fait avec des jeunes ruraux, un groupe d’adolescents oisifs qui évoluent dans leur milieu naturel. À chaque période de vacances, de gentils animateurs leur concoctent des programmes d’animation aussi tentant qu’une banane peut l’être pour un chimpanzé. Pourtant, les jeunes boudent ostensiblement la plupart des propositions de sorties, d’activités ou de séjours qui leur sont faites. Chez les gentils animateurs, on s’interroge. Peut-être est-ce un problème de communication ? Alors on communique à tout va, mais cela ne change rien… Peut-être est-ce un problème financier ? On baisse donc les tarifs, mais rien n’y fait : nos ados restent toujours aussi peu réceptifs ! Et puis un jour, en désespoir de cause, les gentils animateurs leur déclarent : puisque que vous n’aimez pas nos programmes, vous n’avez qu’à les faire vous-mêmes ! Et là, surprise ! Lesdits ados sortent soudain de leur torpeur et se mettent à concevoir et mettre en place leurs programmes de vacances, en tous points semblables à ceux qui leur étaient précédemment proposés, mais cette fois, faits par eux. Il ne s’agit plus pour eux de participer à une activité, mais de vivre une expérience. C’est autrement plus excitant ! Et formateur… Champions les ados !
Voilà ce que revendique depuis 50 ans la joyeuse ménagerie de La Fédé. Expérimentez, testez, faites preuve d’audace, observez, analysez, communiquez ! Même si ça tourne court, il vous en restera forcément quelque-chose. Car comme le disait Nelson Mandela : « Je ne perds jamais. Soit je gagne, soit j’apprends. » Bien envoyé, Nelson !
Expérimentation numérique
À Pénestin, un groupe de jeunes, accompagnés par La Fédé et l’informaticien Franck Lazzari, a conçu un jeu de piste numérique, à jouer sur smartphone. Il s’agit de Zone 56, un titre de la série Pistago, qui invite à découvrir une ville et son patrimoine.
Audace et expérimentation dans nos archives
Les Infos 24/06/1998
À la fin des années 90, neuf communes du canton d’Allaire expérimentent avec La Fédé un type de centre social inédit dans le Morbihan.
Les Infos 01/03/2000
En 2000 les partenaires institutionnels de La Fédé mettent 1.5 millions de Francs sur la table, pour créer un chantier d’insertion dédié à l’artisanat culturel et artistique.
Ouest-France 16/03/2007
«… on l’aura compris, ce projet Equal se vit comme un laboratoire d’expérimentation foisonnant d’idées audacieuses. »